SOPHIE COSTA La joyeuse mélancolie du New Pop
SOPHIE COSTA - La joyeuse mélancolie du New Pop
Entre Art Singulier et Nouveaux Pop – ce groupe formé le 23 juin 2005 dans l’appartement parisien du marchand Thierry Salvador - la création made in Costa apporte au regard et au cœur l’étrange et mélancolique sensation d’un voyage à rebrousse temps. Pour Sophie l’extravertie romantique, la création n’a rien du processus intellectuel ou du pensum marketing, elle affirme, période après période, une synthèse d’influences pour figer dans le cadre d’une œuvre étonnamment ouverte l’expression géopoétique d’une époque dont elle se fait porte parole et journaliste recycleuse. Notre époque. Qui n’a finalement que très peu changé depuis Warhol et le Pop Art originel, sinon en pire.Il y a loin, certes, de Frank Lloyd Wright et Fred Vargas à Pedro Almodovar et Bashung, mais pas si loin finalement. Car c’est ce rapproché substantif de références artistiques, d’émotions poétiques et de gestes créatifs que Sophie Costa met en scène et en perspective. Avec la conviction de se réapproprier l’image fugitive ou plutôt de renouer, collage après collage, avec cette adolescence sensitive faite d’intuition et d’aspiration. L’intuition d’une pertinence esthétique dans le goût et la saveur, l’intuition d’une probable et possible liberté d’être et de rêver dans la candeur évanescente de l’instant créatif. Juste après. Juste avant. Et Rauschenberg, et Johns et Warhol, mais aussi Claude Gellée et Maurice Barrès, alors, lui délivrent permis de réinventer son présent selon le code graphique énergique et radical de l’univers Pop et l’ambiance intuitive des vrais modernes. Le temps d’une idée force et le voyage se fige dans l’instantané d’une superposition d’images. De traits. De couleurs. Comme autant de strates d’une mémoire en perpétuel mouvement. Comme autant de références émotionnelles.
En musique, toujours, elle circonscrit l’œuvre en gestation, redéfinissant le contour, établissant l’épaisseur et délivrant l’acte de naissance d’une toile chronique évènementielle ou littéraire d’un voyage, d’une rencontre, d’une émotion, d’une errance.
A la double manière d’un Warhol et d’un Pollock, elle instille le présent dans nos regards par la force déliée du geste et le rendu des couleurs primaires. La caractéristique des fameux Nouveaux Pop cosmopolites. La mélancolie puis l’impertinence en plus. Comme un emprunt à l’iconographie de Warhol. Comme une dévotion particulière à l’univers Pop. Comme une réactivation de l’époque charnière de la création contemporaine. Cette période illuminante et rebelle où le présent s’affirmait dans les images irrévérentes de l’avant-garde niant le conceptuel et le géopolitique. Ouvrant grandes les portes d’un avenir se vivant au présent ou à l’infutur.
Sophie Costa, peintre et plasticienne de son temps, dans son temps, avec à l’esprit ce détournement majeur de la phrase culte de Gilles Deleuze, « Quoi de plus gai que l’air du temps ? », devenue pour elle et tous les Nouveaux Pop, « Quoi de moins gai que l’air du temps ». De quoi offrir au spectateur une série d’images-images contrastées de nos sociétés à bout de souffle et d’imaginaire. Sans jamais tomber dans la paraphrase esthétique, mais avec l’idée de donner à voir par une peinture engagée synthétisant les influences majeures qui soufflent sur les esprits et les cœurs jusqu’à la nausée ou à l’angoisse.
Entre Pop et abstraction narrative, Sophie Costa avance donc à découvert. Dénouant les fils confus de l’ère informatique et télévisuelle qui nous abreuve de surinformation et de suriconisation, elle développe l’instant en autant de flashes photosensibles devenus tableaux, comme chez d’autres livres, musiques ou films. Boites de Coca Cola extirpées des poubelles de l’ennui, tickets de bus ou de métro détenus après usage comme vestiges existentiels, pages de magazines déchirées, publicités cartonnées, trouvailles iconoclastes de promenades urbaines, tous ces éléments dépassent désormais l’anecdote mercantile pour intégrer la démarche constructiviste et poétique d’une artiste se voulant témoin subjectif et protagoniste géopoétique. Car le travail de Sophie Costa n’est pas seulement décorum insigne, extirpée la gravité, mais signe patent de l’évènementiel rapport d’une réalité subjuguée par la métaphysique plastique. Avec l’affirmation esthétique et citoyenne d’une présence attentive et curieuse. Présence s’affichant avec aplomb face à l’absence qui devient peu à peu la marque de nos sociétés occidentales postmodernes.
De cette mise en abîme digne d’un Jackson Pollock, le voyage se fait passage d’une émotion à l’autre, d’un univers à l’autre, d’une radicalité à l’autre. Et de cette succession de regards décalés sur l’époque, nait une suite graphique qu’un Barrès, encore, aurait définit avec humeur comme roman de genre. Celui d’une chronique sans fin ni début qui donne au vertige la stature d’une rédemption par l’image figée dans l’objet.
Puis vient, aujourd’hui, le lettrisme. Irruption d’un langage nouveau et de messages rudes ou mélancoliques, subjugués ou désabusés, dans une œuvre en mutation poétique. Métissage de New Pop et de Fluxus, affirmation d’un désenchantement ou d’un espoir, ces petits mots, ces petits maux, sont autant de cris d’alarme ou d’appel aux larmes d’une génération en lévitation informatique autour des concepts refondateurs de nos idéologies surannées. La liberté reprenant goût et substance dans l’expression littéraire d’une pensée graphique ou plastique.
Love, ce n’est pas ici que de l’amour à la Bowie, et ce n’est surtout pas le superfétatif d’une artiste parvenue aux confins de l’illusion métaphysique et de la critique positiviste chère au prince des critiques internationaux, le fameux Achille Bonito Oliva. Lui qui affirmait avec aplomb et constance que l’art ne peut se limiter à une banale application de préceptes graphiques, esthétiques ou marketing mais redevenir l’affirmation d’une idée ou d’une émotion. Comme lui, Sophie Costa semble être en route vers l’émotion pure, ce sentiment étrange et complexe qui nous révèle et nous interpelle à l’orée d’une nouvelle ère angoissante mais exaltante.
Salvatore Lombardo, Novembre 2014.